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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/175

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gloutit pour trente millions de sesterces. Vous croyez peut-être que je perdis courage ; non, ma foi ! cette perte me mit en goût de tenter encore la fortune ; et malgré cet échec récent, j’équipai de nouveaux vaisseaux, plus grands, plus solides que les premiers, et qui partirent sous de meilleurs auspices ; si bien que chacun vanta mon intrépidité. Vous savez que les plus gros vaisseaux sont ceux qui luttent avec le plus d’avantage contre les flots. Je chargeai donc ma nouvelle flotte de vin, de lard, de fèves, de parfums de Capoue et d’esclaves. Dans cette circonstance, Fortunata me donna une grande preuve de dévouement : elle vendit tous ses bijoux, toutes ses robes, et de leur produit me mit dans la main cent pièces d’or qui furent la source de ma nouvelle fortune. On va vite en affaires, lorsque le ciel vous aide : en une seule course, je gagnai, de compte rond, dix millions de sesterces. Je commençai par racheter toutes les terres qui avaient appartenu à mon maître, je bâtis ensuite un palais, et j’achetai des bêtes de somme pour les revendre. Tout ce que j’entrepris me réussit à souhait. Dès que je me vis plus riche à moi seul que tout le pays ensemble, laissant là mes registres, je quittai le commerce, et je me contentai de prêter de l’argent à intérêt aux nouveaux affranchis. J’étais même sur le point de renoncer entièrement aux affaires, lorsque j’en fus détourné par un astrologue qui vint par hasard dans cette colonie. Il était Grec de naissance, et se nommait Sérapa : il semblait inspiré par les dieux. Il me rappela même plusieurs circonstances de ma vie que j’avais oubliées, et qu’il me ra-