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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/188

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coup chez mon hôte, moins à cause de l’élégance des appartements que de la beauté merveilleuse de son fils. J’eus recours à cet expédient, pour que le bon père ne soupçonnât pas la vive passion que m’inspirait cet enfant. Toutes les fois qu’il était question à table de l’amour des jolis garçons, je me répandais en invectives si violentes contre cet infâme usage, je défendais d’un ton si sévère que l’on tînt devant moi ces discours obscènes qui blessaient, disais-je, mes chastes oreilles, que tous, et surtout la mère de mon élève, me regardaient comme un des sept sages. Je fus donc bientôt chargé de le conduire au gymnase : je réglais ses études, je lui donnais des leçons ; et je recommandais par-dessus toutes choses à ses parents de n’admettre chez eux aucun séducteur de la jeunesse. Un jour de fête, après avoir terminé nos travaux plus tôt qu’à l’ordinaire, nous étions couchés dans la salle à manger (car la nonchalance, suite ordinaire d’un long et joyeux festin, nous avait empêchés de remonter dans notre chambre) ; lorsque, vers le milieu de la nuit, je m’aperçus que mon élève ne dormait pas. Je fis alors à voix basse cette prière à Vénus : O déesse ! si je puis embrasser cet aimable enfant, sans qu’il le sente, je fais vœu de lui donner demain une paire de colombes ! L’espiègle n’eut pas plutôt entendu quel était le prix de cette faveur, qu’il se mit à ronfler. Pendant qu’il feignait de dormir, je m’approchai de lui, et je lui dérobai plusieurs baisers. Content de cet essai, je me levai de bonne heure le lendemain, et, pour combler son attente, je lui apportai une belle paire de colombes. C’est ainsi que je m’acquittai de ma promesse.