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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/187

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haine générale (qui pourrait, en effet, approuver dans autrui les vertus qu’il n’a pas ?). Ensuite, ceux qui sont uniquement occupés du soin d’amasser des richesses veulent persuader à tous les hommes que cet or qu’ils possèdent est le souverain bien. Qu’on prône donc, disent-ils, tant qu’on voudra, les hommes de lettres, pourvu que, dans l’opinion publique, ils cèdent le pas aux hommes d’argent. — Je ne sais comment il se fait que la pauvreté soit sœur du génie, dis-je à Eumolpe en soupirant. — Vous avez raison, reprit le vieillard, de déplorer le sort des gens de lettres. — Ce n’est pas cela, répliquai-je, qui me fait soupirer ; j’ai bien d’autres sujets d’affliction ! — Et, par ce penchant naturel qui nous porte à déposer nos chagrins dans le sein d’autrui, je lui fis sur-le-champ le récit de ma triste aventure, et je lui peignis sous les plus odieuses couleurs la perfidie d’Ascylte. — Plût au ciel ! ajoutai-je en gémissant, que l’ennemi cruel qui me force à la continence fût assez honnête homme pour se laisser attendrir ; mais c’est un scélérat endurci qui en remontrerait aux débauchés de profession ! — Ma franchise ingénue me gagna le cœur de ce vieillard : il se mit à me consoler ; et, pour faire diversion à mon chagrin, il me raconta en ces termes une aventure galante de sa jeunesse.


CHAPITRE LXXXV.

Dans un voyage que je fis en Asie à la suite d’un questeur[1], je logeai chez un habitant de Pergame. Je me plaisais beau-