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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/281

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en me saluant, dégoûté personnage, commencez-vous à être plus vaillant ? — À ces mots, la vieille tire de son sein un réseau formé de fils de différentes couleurs, l’attache autour de mon cou. Ensuite, pétrissant de la poussière avec sa salive, elle prend ce mélange avec le doigt du milieu[1], et m’en signe le front malgré ma répugnance :

Si l’on te compte encore au nombre des vivants,
_____Mortel, conserve l’espérance :
Et toi, dieu des jardins et des exploits galants,
O Priape ! aide-nous de toute ta puissance.


Après cette invocation, la magicienne m’ordonna de cracher trois fois[2], et de jeter par trois fois dans ma robe de petits cailloux constellés qu’elle avait enveloppés dans des bandes de pourpre. Alors elle porta la main sur la partie malade, pour s’assurer du retour de mes forces. Jamais charme n’opéra plus promptement : le coupable redressa la tête et repoussa la main de la vieille, stupéfaite de l’énormité du prodige. Transportée de joie à cet aspect : — Voyez, Chrysis, s’écria-t-elle, quel lièvre je viens de lever pour d’autres que pour moi[3] ! — La cure était complète, et l’opératrice me remit à Chrysis, qui parut ravie de rendre à sa maîtresse le trésor qu’elle avait perdu : elle me conduisit donc en toute hâte auprès d’elle, et m’introduisit dans une retraite délicieuse, où la nature semblait avoir déployé tous ses trésors pour charmer la vue.