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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/32

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France peut leur comparer sans honte le Pantagruel de Rabelais, le Catholicon d’Espagne, la Pompe funèbre de Voiture, par Sarrazin.

Aux yeux de ceux pour qui les disputes de mots ne sont que de doctes âneries, Rome paraîtra peut-être redevable à la Grèce de ces deux espèces de satires. Varron, de son aveu même [1] , avait imité Ménippe le Cynique ; et les satires du second genre s’appellent encore aujourd’hui Ménippées, du nom du philosophe grec. Pour la satire du premier genre, elle fut évidemment chez les Romains, dans son origine, une copie informe de ces tragi-comédies grecques, que les acteurs de Thespis allaient représentant de ville en ville sur des tombereaux. Avant qu’Épicharme de Mégare eût inventé la bonne comédie, la Sicile, qui servait de lien commun entre la Grèce et l’Italie, avait porté dans la seconde les satyriques de la première. Elles succédèrent sur le théâtre des Romains aux danses des Étrusques, que des histrions toscans avaient jusqu’alors exécutées au son de la flûte, mais sans les accompagner d’aucune pièce réglée qui représentât une action. La satyre grecque, ainsi naturalisée chez les Romains, y fut encore longtemps mêlée, comme dans son pays natal, de chants bouffons, de danses burlesques, de postures lascives, de railleries grossières. Bientôt Ennius essaya de la faire descendre du théâtre, pour la rendre plus décente. Il la restreignit à de simples discours en vers, destinés à être lus dans des cercles d’amis. Mais, sous sa plume, elle ne changea que de forme ; à l’exception du chant et de la danse, elle retint son nom, son fiel et sa gaieté.

  1. Varron, cité par Cicéron dans ses Questions académiques, liv. 1.