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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/34

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fort que les grammairiens, et souvent l’expression est la même, quand la chose a changé. Charmés de la marche libre et facile que donnait à la Ménippée le mélange des vers et de la prose, les Romains s’accoutumèrent insensiblement à désigner par son nom les écrits revêtus de la même forme, quoique éloignés de son caractère original. Histoire, romans, philosophie, morale, tout fut bientôt de son ressort. On oublia qu’elle était née caustique, pour ne plus voir en elle qu’une ingénieuse babillarde. Pourvu que, dans un même ouvrage, elle semât avec esprit et les vers et la prose, on lui pardonna de ne plus médire ; en dépit de son changement, elle resta Ménippée. Cette satire n’est donc point essentiellement mordante. Celle même de Varron, quoique plus proche de son origine, montre rarement le vice couvert de ridicule ou d’opprobre. Sa philosophie badine plus qu’elle ne dogmatise ; elle cache sous les fleurs les épines de l’érudition ; et ses leçons de morale, elle ne les donne qu’en se jouant. La satire, chez Pétrone, est encore plus indulgente. Ne cherchez pas en elle un pédagogue : enfant gâté d’Épicure, sa malignité s’endort auprès du vice aimable ; craignez qu’elle ne s’éveille aux sermons de la sagesse. Près de Pétrone, l’âne d’Apulée est un Caton. Il censura fort bien les travers de son siècle ; cependant il n’a pas l’honneur de siéger parmi les satiriques. Cet âne, content de parler mieux que certains hommes, négligea d’employer le langage des dieux ; et, je l’ai déjà dit, il n’est point de Ménippées sans le mélange de la prose et des vers.

Pétrone ne pouvait choisir pour son roman une forme de composition plus variée, plus agréable que celle de la Ménippée ; aussi n’y manqua-t-il point, et voilà sans