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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/452

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sième en quatorze vers de dix syllabes. Ainsi la plus courte des trois est d’un tiers plus longue que l’original ; je la cite comme la meilleure, la voici :

Ma mère enceinte, et ne sachant de quoi,
S’adresse aux dieux ; là-dessus grand’bisbille.
Apollon dit : C’est un fils, selon moi ;
Et selon moi, dit Mars, c’est une fille ;
Point, dit Junon, ce n’est fille ni fils.
Hermaphrodite ensuite je naquis.
Quant à mon sort, c’est, dit Mars, le naufrage ;
Junon, le glaive ; Apollon, le gibet.
Qu’arriva-t-il ? Un jour, sur le rivage,
Je vois un arbre, et je grimpe au sommet
Mon pied se prend ; la tête en l’eau je tombe,
Sur mon épée. Ainsi, trop malheureux,
A l’onde, au glaive, au gibet je succombe,
Fille et garçon, sans être l’un des deux.

M. de Guerle a essayé de faire en français ce que Politien, Lascaris et La Monnoye ont fait en grec ; voici son imitation qui, à défaut d’autre mérite, a du moins celui de la précision :

Ma mère enceinte, un jour, vint consulter les dieux.
Que dois-je mettre au jour ? — Un fils, dit Aphrodite,
Phébus dit : une fille ; — et Junon : nul des deux. —
Enfin, me voilà né. Que suis-je ? Hermaphrodite.
Sur ma mort divisés, Pan me voue au gibet,
Mars au glaive, Bacchus m’envoie à la rivière.
Aucun ne faut. Un saule ornait une onde claire ;
J’y grimpe. Sur ma brette, en glissant du sommet,
Je tombe, nez dans l’eau, pieds en l’air, et rends l’âme,
Percé, noyé, pendu, sans nul sexe, homme et femme.

XXXIV. 1 Me nive candenti petiit modo Julia. — Charmé de la délicatesse qui caractérise la pensée et l’expression de l’épîgramme de Pétrone, La Monnoye a voulu la faire passer dans notre langue ; on va juger si la copie a conservé les grâces de l’original :

Que dans la neige il se trouve du feu,
Pas n’aurais cru que cela se pût faire ;
Mais lorsqu’Iris, par manière de jeu,
Hier m’en jeta, j’éprouvai le contraire.
Par un effet qui n’est pas ordinaire,
Mon cœur d’abord brûla du feu d’amour ;
Or, si ce feu part du propre séjour
Où le froid semble avoir élu sa place,
Pour m’empêcher de brûler nuit et jour,
N’usez, Iris, de neige ni de glace :
Mais, comme moi, brûlez à votre tour.