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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/74

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la veille, un vaisseau richement chargé d’offrandes pour la fête d’Isis avait échoué sur la côte voisine. Je tins là-dessus conseil avec Giton. Mon dessein ne pouvait que lui plaire ; car son état de faiblesse ne lui valait plus auprès de Tryphène que des dédains. Le lendemain donc, dès la pointe du jour, nous gagnâmes le rivage de la mer. Nous montâmes à bord d’autant plus aisément que nous étions déjà connus des gens préposés par Lycas à la garde du navire. Pour mieux nous en faire les honneurs, ils se crurent obligés de nous accompagner partout. Tant de politesse ne faisait pas notre compte ; elle nous liait les mains. Aussi, laissant Giton avec eux, je m’esquive adroitement. Dans une chambre voisine de la poupe était la statue de la déesse ; je m’y glisse. Une robe précieuse la couvrait, et sa main portait un sistre d’argent ; j’enlève le sistre et la robe. De là, passant dans la cabine du pilote, je fais un paquet des meilleures nippes, puis, à l’aide d’un câble officieux, je m’élance hors du vaisseau. Giton seul avait observé mes démarches ; il se débarrasse adroitement de ses gardes, et me rejoint un moment après. Dès que je l’aperçus, je lui montrai ma proie, et nous convînmes d’aller trouver Ascylte au plus tôt ; mais nous ne pûmes arriver que le lendemain à la maison de Lycurgue. En abordant Ascylte, je le mis en peu de mots au fait de notre heureux larcin et des revers que nous avions éprouvés dans nos amours. D’après son conseil, je courus prévenir l’esprit de Lycurgue en notre faveur ; je l’assurai que les nouvelles importunités de Lycas avaient seules motivé le secret et la promptitude de notre départ. Lycurgue, persuadé par mon discours, jura de nous défendre envers et contre tous.