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Page:Pétrone - Satyricon, trad. Héguin de Guerle, 1861.djvu/73

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gards plus animés me promirent un doux retour. Cette éloquence muette, plus rapide, plus expressive que la parole, fut seule pendant quelque temps l’interprète discret de nos désirs. La jalousie de Lycas ne m’avait point échappé, et l’amoureuse Doris ne pouvait être la dupe des attentions de son mari pour moi ; c’est ce qui nous forçait au silence. Dès notre première entrevue, elle me communiqua ses soupçons. En avouant de bonne foi ce qu’il en était, je fis adroitement valoir auprès d’elle la résistance sévère que j’avais toujours opposée à son mari. Mais, admirez les ressources de l’esprit féminin ! — Usons de ruse, me dit-elle ; et, pour posséder Doris, souffrez que Lycas vous possède. — Je suivis ce conseil, et je m’en trouvai bien. Cependant Giton, épuisé par Tryphène, tâchait de réparer ses forces par un peu de repos. L’inconstante alors revint à moi. Mes rebuts changèrent son amour en fureur. Sans cesse attachée à mes pas, elle eut bientôt découvert ma double intrigue avec les deux époux. Le goût du mari pour moi ne la sevrait de rien ; elle s’en inquiéta peu, mais elle résolut de troubler mes amours furtifs avec Doris. Elle court chez Lycas, et lui dévoile tout le mystère. Déjà la jalousie de cet homme, plus forte que son amour, méditait une vengeance éclatante. Heureusement Doris fut prévenue à temps par l’une des femmes de sa rivale, et, pour conjurer l’orage, nous suspendîmes nos rendez-vous et nos plaisirs. Indigné de la perfidie de Tryphène et de l’ingratitude de Lycas, je résolus de quitter la place. L’occasion était d’autant plus favorable que,