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Page:Pêcheurs de Terre-Neuve, récit d'un ancien pêcheur, 1896.djvu/51

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où il se cramponnait dessus. Le malheureux était paralysé de froid et de peur. On l’aida à s’embarquer et on hissa son esquif après lui. Je crus que le pauvre homme allait m’embrasser tout en me disant beaucoup de paroles dont je ne compris aucune : « All right », que je n’aurais pu écrire alors, et qui constituait tout mon vocabulaire anglais, fut le seul mot que je trouvai à lui répondre. On eut bientôt fait de lui donner une grande tasse de thé fortement arrosée d’eau-de-vie, et des vêtements moins mouillés que les siens.

C’était un pêcheur américain. — Les Américains et les Français seuls ont le droit de pêche sur le Grand Banc. — Il était d’une goélette mouillée dans notre vent et hors de notre vue. La veille, dans la brume, il l’avait quittée pour pêcher à la ligne de main, selon la manière américaine ; le vent et le courant l’avaient fait dériver au point de le mettre hors d’état de la retrouver. Quelle nuit il avait dû passer seul sur une pareille mer ! Ce fut pour lui une véritable chance que de tomber sur nous aussi vite. Au nord du Banc, où les navires sont souvent rares, il aurait pu errer longtemps sans rencontrer personne. Chaque année d’ailleurs la profession paye le tribut d’un lourd contingent d’hommes perdus de la sorte. Lorsque la mer ne les engloutit pas assez tôt, ils n’échappent pas à la faim et à la soif. Notre Américain resta à bord jusqu’à à notre retour à Saint-Pierre.


L’heure du départ sonna d’ailleurs bientôt. Un beau