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Page:Pacini - Le Freyschütz, Lévy.djvu/18

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FREYSCHÜTZ

L’un soupire, l’autre rêve :
L’un commence un mot d’hymen.
L’autre achève :
Puis soudain,
On se prend la main,
Ce moment tous deux nous lie…
Venez voir mon fiancé !
Il est si beau, je suis jolie,
Notre joie a commencé,
Qu’on s’empresse !
Quelle ivresse !
La tendresse,
Le bonheur
Remplit mon cœur.

(Pendant cette ronde, Agathe a garni de rubans sa robe
de fiancée.)
RÉCITATIF
annette

« Oh ! les nœuds charmants ! à merveille,
Quand je me marîrai, je veux être pareille.

agathe

Puisses-tu ce jour-là, du moins,
Ignorer les soucis dont tes yeux sont témoins.

annette

Voyons, raconte-moi la fin de ta visite
Chez notre bon ermite ;
Il t’a donné ces roses blanches ?

agathe

 :Il t’a donné ces roses blanches ? Oui,
Et sa main les a consacrées ;
Mais un astre fatal sur moi, dit-il, a lui.
Des visions, par le ciel inspirées,
Lui font voir mes périls ; peut-être le portrait
M’eût tuée en tombant sans quelque vœu secret.

annette

Bien expliqué ! Jadis mon père,
Vaillant soldat, disait que pour briser la loi
Du destin, un moyen efficace et prospère
Consistait dans ces mots : « Ça, coquin, défends-toi ! »

agathe

Que ces fleurs ont de prix !

annette

Que ces fleurs ont de prix ! Par les fraîches rosées
Pour les conserver mieux, qu’elles soient arrosées.

agathe

À ton gré, chère Annette.

(À part.)

À ton gré, chère Annette.Et Max qui tarde encor !

annette

Allons, retirons-nous, c’est l’heure
De la prière sainte et des beaux rêves d’or.

agathe

Jusqu’au retour de Max en ces lieux je demeure.

annette

À ton aise… bonsoir ! car dans son doux essor
Le sommeil caressant de son aile m’effleure ! »

(Annette sort emportant le vase où sont les fleurs)



Scène II


agathe, seule.
AIR et SCÈNE

Sans le revoir encor, faut-il fermer mes yeux ?
Ah ! quel tourment se mêle à mon amour pieux !

(Elle ouvre les fenêtres ; on aperçoit la campagne très-éclairée
par un beau clair de lune.)

La lune au front mystérieux
Rayonne aux cieux.

(Elle s’agenouille et prie avec ferveur.)

Adagio.

Ma prière, prends des ailes
Vers les sphères éternelles !
Ô phalanges immortelles,
Élevez ma voix
Au Roi des rois !

(Elle se lève ci regarde au dehors.)

Quel beau ciel et que d’étoiles
Dans les voûtes de l’azur !
Mais quoi ! sous de sombres voiles,
L’horizon devient obscur !
Quels nuages
En chemin !
Que d’orages
Pour demain !

(Elle s’agenouille de nouveau pour prier.)

Adagio.

Des archanges, reine sainte,
Garde-moi, bannis ma crainte !
Daigne entendre une humble plainte ;
Bénis en ce jour
Mon chaste amour.

(Elle se lève, va de nouveau sur le balcon, regardant de tous côtés.)

Adagio.

Tout s’endort dans le silence,
Bien-aimé, viens donc enfin !
Mon cœur, hélas ! écoute en vain…
Mon oreille entend au loin
Le bruit seul du noir sapin
Que le vent des nuits balance.

RÉCITATIF

Du rossignol la voix s’élance
Dans l’écho du bois lointain. !
Ô ciel ! n’est-ce pas un rêve ?…
Quelqu’un s’avance !… Ah ! quel espoir s’élève.
On vient à moi ? C’est lui ! c’est lui !
Mon cœur en a tressailli !

(Elle va vers la fenêtre et agite son mouchoir.)

Signal fidèle,
Conduis ses pas ;
J’appelle ;
Il ne me voit pas.
Dieu ! dans la nuit brillante et pure
Je vois de fleurs son front orné ;
Le prix du tir, l’a-t-il gagné ?
Pour lui, demain, heureux augure !
Espoir divin !
Renais enfin !
Ah ! quel bonheur suprême !
Tout mon être vole à toi ;
C’est le ciel ouvert pour moi !
Le voilà, celui que j’aime ;
Sa victoire, son retour
Couronnent mon amour.
Que la crainte enfin s’efface,
Douce ivresse, jour heureux