Hélas ! la crainte
Retient ma plainte ;
Mon cœur pourtant
N’eut pas de vil penchant,
Ni félon, ni méchant,
Il faiblit un instant.
À l’honneur seul il fut toujours constant.
Lui me quitter ! mon cœur se glace.
Il est si brave et valeureux.
Il est si bon, si généreux.
Ô monseigneur, faites-lui grâce !
Non, non, il est indigne de pitié.
Que ton forfait soit expié.
Crains ma menace !
Ne reparais
Jamais !
(Entre l’Ermite. Il s’avance au milieu. Tout le monde s’incline respectueusement en lui faisant place. Le Prince lui-même se découvre.)
Quel jugement ! quel déshonneur !
Quel crime doit subir tant de rigueur !
C’est vous ! c’est vous, saint homme !
Dont on renomme
La ferveur.
Salut à vous, ministre du Seigneur !
Jugez vous-même son erreur ;
Daignez prononcer la sentence,
Et j’y souscris d’avance.
Un noble cœur peut aussi quelquefois
De la vertu trahir les lois ;
Pourtant dans ta bonté j’espère :
Pour ses remords sois moins sévère.
À ma prière.
Grand prince, accorde-lui
L’épreuve d’une année entière.
Cet ordre sera suivi,
C’est l’arrêt du ciel, mon père.
Eh bien !
Un an pour leur hymen !
Vive le prince ! oui, c’est le vœu de tous.
Saint homme, honneur à vous !
De son pardon, sois digne un jour,
Garde les vœux d’un chaste amour.
Mon cœur toujours sera fidèle
Aux saintes lois de mon devoir.
Moment si doux ! bonté nouvelle !
À vous, seigneur, je dois l’espoir.
Oui, Dieu lui-même se révèle
Dans la clémence du pouvoir.
Heureuse, enfin, l’amour t’appelle !
D’un tendre hymen garde l’espoir.
De la vertu touchant modèle,
Vois ton bonheur dans ton devoir.
Vous tous levez aux cieux
Vos cœurs, vos yeux.
Dieu seul à l’innocence
Prête un secours pieux.
Vers l’Éternel que notre hymne s’élance.
Le ciel généreux
Daigne entendre nos vœux.
L’hymen et la vertu vont combler leur ivresse.
Sa foi, son amour
Sont à lui sans retour.
Unissons nos chants d’allégresse !
Un jour le Seigneur
Bénira leur bonheur.