Page:Pages choisies, par Herbert George Wells, 1931.pdf/12

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mais en vain : dès qu’ils ne ledoutent pas d’être punis, ils enfreignent la loi. L’analogie va plus loin, sans que rien la souligne ; il semble même que l’auteur prenne soin d’éviter toute allusion directe, et de ne rien dire, pas même d’insinuer, qui dépasse ses personnages humains et leurs faits et gestes. Aucun artifice ne peut mettre le lecteur sur la voie, aucun subterfuge ne peut non plus le fourvoyer : Moreau est bien Moreau et sa retraite du Pacifique est bien un îlot désert sous les tropiques, voilà tout. A part cela, vous pouvez y voir tout ce que vous voulez, et surtout vous serez empoigné dès la première page, et vous continuerez, haletant, votre lecture jusqu’à la fin. Wells avait trente ans lorsqu’il publia, en 1896, -J l’Ile du docteur Moreau. Deux ans après, il donna en volume la Guerre des Mondes (1) qui eut un succès énorme ; ce fut le début .d’une vogue qui n’a cessé de croître jusqu’à ce que l’écrivain soit devenu l’un des hommes les plus fameux en ce monde.

Il y a quelques années, l’Association FranceGrande-Bretagne donnait un banquet en l’honneur de Wells. Entre autres orateurs, M. Jean Perrin, l’éminent savant, titulaire du prix Nobel de physique, rappela l’impatience avec laquelle la jeunesse universitaire attendait, il y a plus de trente ans, les numéros du Mercure de France où paraissaient mes versions françaises de ces premiers romans de Wells. Entre tous, la Guerre des Mondes empoignait ces lecteurs d’élite et surexcitait leur imagination. Beaucoup plus mouvementé que les précédents, ce récit offre un sujet non moins audacieux et d’un traitement infiniment plus difficile. Ce n’est plus un voyageur solitaire parcourant des périodes fantasmagoriques ; ce ne sont plus trois personnages seuls avec des " monstres sur une île perdue ; cette fois, l’auteur met (1) Traduit par Henry D. Davray, Mercure de France.