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Page:Pages choisies des auteurs contemporains Tolstoï.djvu/16

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les phases par lesquelles l’auteur a passé pour aboutir à son actuel état psychique.

Comme Pierre et comme Lévine, il a très jeune perdu toute foi en les dogmes de l’Église, et considéré les rites et la masse qui les observe, non avec mépris, mais avec pitié. Comme eux, à travers toutes les circonstances de la vie, avidement il a cherché la croyance indéfectible où il pût s’établir enfin, quémandant des indications à tous les systèmes de métaphysique et des guides jusque dans les franc-maçonneries martiniste, swedenborgienae, etc., consultant la science, et souffrant si cruellement de ne découvrir nulle part le sentier certain, que durant quelque temps il a été, au milieu même d’une existence très active et de tout ce qui constitue le bonheur individuel, obsédé de l’idée du suicide.

Il estime qu’à présent la lumière lui est venue.

Sa doctrine philosophique et morale tient en peu de mots.

Les causes premières et les suprêmes finalités sont absolument inconnaissables. Le mieux que nous puissions faire pour la paix de notre âme à leur endroit consiste donc à les supprimer résolument de nos préoccupations. Nous venons de ce qui pour notre intelligence doit rester le néant, et nous y allons.

Nous y sommes aussi, car la vie n’a de réalité que par rapport à nous. La seule chose qui importe, c’est de tirer de cette triste apparence le lîieilleur parti possible, autrement dit, de nous rendre les uns aux autres l’existence aussi tolérable que possible. Surtout travaillons, c’est l’unique moyen efficace de tuer le temps. Et ne nous tuons pas nous-mêmes, car nous risquerions de supprimer une existence utile en quelque chose à l’amélioration de celle d’autrui.

Tolstoï affirme professer dans tout cela le pur christianisme, dégagé des altérations qu’avec les siècles y ont apportées les Églises.

L’histoire nous a appris qu’il n’est pas très malaisé de faire rendre à la doctrine chrétienne, en la pressurant bien, d’abord le panthéisme, puis le rationalisme, et enfin le quiétisme. Par contre il n’est pas besoin du moindre effort pour reconnaître dans les croyances de Tolstoï tout