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Page:Pages choisies des auteurs contemporains Tolstoï.djvu/5

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et gémit. Et cette comparaison n’est pas choisie au petit bonheur, nous verrons qu’elle s’impose.

Or, chaque fois qu’il est donné à une âme religieuse — et l’on a pu qualifier l’âme russe de « cloche du temple qui sonne toujours les choses divines, alors même qu’on raffecte à des usages profanes » — d’atteindre sans accident ni contretemps à l’ermitage confusément rêvé et de s’y installer, elle ne tarde pas à tomber en proie à un mysticisme que rien n’empêche de se développer sous les formes les plus imprévues.

La biographie de Léon Nikolaïévitch Tolstoï tient en effet en peu de lignes.

Il est né le 28 août (vieux style) : 9 septembre 1828, à Iasnaïa-Poliana, propriété de sa famille dans le gouvernement de Toula, district de Kravsivna. Cette famille, l’une des plus opulentes de la Russie, appartient à la meilleure noblesse et s’est alliée à tout ce que l’empire compte d’illustre. L’aïeul paternel de Léon Nikolaïévitch, Pierre, fut grand maréchal de la cour, puis ambassadeur à Paris auprès de Napoléon Ier.

Il fit ses études à l’université de Kazan, s’y montrant particulièrement assidu aux cours de la faculté des langues orientales vivantes. Lorsqu’en 1851 il prit du service dans l’artillerie, la connaissance qu’il avait de ces idiomes et la séduction qu’exerçait sur lui l’Asie, lui firent choisir l’armée du Caucase.

Il écrivit là sa première œuvre, les Cosaques. Le héros adopte l’existence de ces soldats si peu militaires — comme l’auteur en agira plus tard pour celle de ses moujiks, — partage leurs chasses et leurs expéditions, leurs jeux et leurs fêtes, s’énamoure enfin d’une jeune fille du clan, et n’arrive qu’à cette conclusion : l’âme européenne et l’âme orientale ne sauraient se comprendre ni se pénétrer, encore moins fusionner. Il est criminel, et surtout c’est peine ridiculement perdue, d’attenter à leur intégrité respective. Toute âme est parfaite en soi, et l’on doit tenir pour sacrés ses plis héréditaires et ses marques