Page:Pages choisies des auteurs contemporains Tolstoï.djvu/7

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l’extrême exagération des théories émancipatrices les plus radicales de l’Occident, et en même temps il n’a fait dans beaucoup d’autres que pousser jusqu’à l’intransigeance absolue le chauvinisme moscovite d’Aksakov. Mais il enveloppe les deux camps du même ironique dédain. L’âme russe a de ces illogismes, — d’autant moins condamnables qu’il n’est pas prouvé qu’elle en détienne le monopole.

L’œuvre littéraire de Tolstoï est relativement peu considérable, au point de vue quantité, s’entend. Postérieurement aux Cosaques et à Sébastopol, parurent le livre intitulé : Trois morts, triptyque où s’accentuaient surtout les tendances philosophiques de l’auteur, puis trois productions de plus longue haleine : le Roman d’un Propriétaire russe, Polikouchka, et le Bonheur de la Famille, où le grand penseur étreignait pour la première fois le problème de l’alliance de deux âmes et de la coordination de deux existences dans le mariage. Un certain nombre de nouvelles, comme le Récit du Volontaire, souvenir de la campagne du Caucase, et le Récit du Marqueur, virent ensuite le jour. En 1872 enfin le public put lire Guerre et Paix et en 1877 Anna Karénine.

Les contes et fables Pour les Enfants, intentionnellement aussi peu littéraires que possible, doivent être rattachés à l’ensemble des écrits pédagogiques de Tolstoï. De même Marchez pendant que vous avez la Lumière, récit du temps des premiers chrétiens, ne peut être compté que parmi ses innombrables dissertations philosophiques et sociologiques. Ses trois fragments d’autobiographie : Enfance, Adolescence, Jeunesse, rédigés de 1851 à 1857, n’intéressent guère que par les documents qu’ils nous fournissent sur les premières phases de son évolution psychique. La représentation à Paris de la Puissance des Ténèbres, son unique œuvre dramatique, a été entourée d’un fracas dont il serait assez difficile de démêler les causes, et que, en tout cas, étant donnée la valeur réelle de la pièce, les meilleurs esprits estimèrent au moins disproportionné.

Depuis le jour où il s’est trouvé en face de ce sectaire de Tver qui lui doit le plus clair de sa célébrité nationale, le moujik Soutaïev, une espèce d’innocent à qui, par un joli raffinement d’humilité, il se déclare redevable de sa foi — comme si cette rencontre n’avait pas été purement la