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Page:Pailleron - Amours et Haines, 1869.djvu/27

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histoires tristes.

 

II.

Un soir, un soir d’hiver, je marchais par la ville,
À l’heure où, délivré de son travail servile,
Chacun cherche au hasard ou demande au désir
De quel nouveau travail il fera son plaisir ;
Où le vice pavoise, où la cité s’allume,
Où cette autre Vénus, née aussi de l’écume,
Rôde, offrant à voix basse au passant qui la fuit
Ces marchés dont la honte a besoin de la nuit.

Il avait plu, la rue était pleine de boue.

Une femme parée et le fard à la joue,
Sur le trottoir fangeux, de l’un à l’autre égout,
Allait et revenait, soulevant le dégoût,
Comme un sillage au sein de la vivante houle ;
On se poussait du coude, on riait dans la foule.
Quelques-uns l’insultaient, d’autres hâtaient le pas,
Les plus cléments passaient et ne la voyaient pas.