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aller demander leur subsistance. Exposés au feu de leurs compatriotes, s’ils ne veulent pas s’éloigner de leurs murs, ils courent risque d’être pillés par la soldatesque s’ils entreprennent d’en sortir. Dans leur situation présente, ils se trouvent prisonniers sans avoir l’espérance de recouvrer leur liberté, & si l’on faisoit une attaque générale pour venir à leur secours, ils seroient en butte à la fureur des deux armées.

Des hommes d’un caractère passif traitent légèrement les offenses de l’angleterre, & se flattant toujours que les choses iront pour le mieux, ils s’écrioient volontiers : venez, venez, nous serons amis malgré vos torts. Mais étudiez les passions & les sentimens du cœur humain, interrogez la nature sur cette réconciliation si prônée, & dites moi si vous pourrez aimer, honorer, servir fidèlement un maître qui a porté chez vous le fer & le feu. Si vous en êtes incapable, vous vous faites donc illusion à vous-même, & vos délais sont mortels à votre postérité. Votre union future avec l’angleterre, que vous ne pouvez ni chérir ni honorer, sera forcée & contraire à la nature, & comme elle n’aura été formée que d’après les circonstances actuelles, un peu de temps amènera une rechute pire que vos premiers griefs. Mais si vous me dites que vous vous sentez la force de les oublier, je vous adresserai les questions suivantes : A-t-on incendié votre maison & détruit votre propriété sous vos yeux ? Votre femme & vos enfans n’ont-ils plus de lit pour reposer, plus de pain pour se nourrir ? Les soldats anglais vous ont-ils privé d’un père ou d’un fils, en vous laissant l’horrible malheur de survivre à leur perte ? Si vous n’avez pas éprouvé ces désastres, vous ne sauriez juger ceux qui en gémissent ; mais si vous les avez éprouvés & que vous puissiez encore ser-