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en faire sentir le ridicule ; nous voyons dans tous les pays, que les facultés intellectuelles des monarques, pour qui leur naissance fut un garant de la souveraineté, sont au-dessous des esprits les plus médiocres. Celui-ci est un tyran, celui-là un imbécile, cet autre un insensé ; quelques-uns réunissent ces trois qualités. Il est donc impossible d’avoir du bon sens & de se confier à ce mode de gouvernement.

Ce n’est point à l’abbé Sieyès que j’ai besoin d’appliquer ce raisonnement ; il m’a épargné cette peine, en proposant son opinion. « Si l’on demande, dit-il, ce que je pense du droit d’hérédité, je réponds sans balancer, qu’en bonne théorie, la transmission héréditaire d’un pouvoir ou d’un emploi quelconque, ne peut jamais s’accorder avec les loix d’une véritable représentation : l’hérédité, dans ce sens, porte atteinte aux principes, autant qu’elle outrage la société. Mais, continue-t-il, consultons l’histoire de toutes les monarchies & principautés électives. Y en a-t-il une où le mode électif ne soit pire que la succession héréditaire ? »

Disputer lequel est le plus mauvais des deux, c’est convenir que tous deux sont mauvais ; & en cela nous sommes d’accord. La préférence que donne Sieyès est une condamnation de la chose qu’il préfère. Une pareille manière de raisonner sur cet objet est inadmissible ; elle porte définitivement une accusation contre la nature, comme si elle n’avoit laissé de choix à l’homme, pour son gouvernement, qu’entre deux maux, dont le moins dangereux porte atteinte aux principes & outrage la société. Laissant de côté pour l’instant, toutes les calamités que la monarchie a causées sur la terre, rien ne prouve plus évidemment son inutilité, dans une forme quelconque de gouvernement civil, que le soin de la rendre héréditaire. Accorderions-