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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/109

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L’ŒUVRE DE VAUVENARGUES.

jugements que la confidence du commerce intellectuel qu’il a entretenu avec ces nobles esprits, la révélation des pensées graves, tendres et charmantes qu’ils ont éveillées dans son âme.

Jusqu’à Vauvenargues et longtemps encore après lui, on a fort bien su apprécier, estimer, admirer nos grands écrivains ; un juste tribut d’éloges et de vénération leur a été payé. Mais Vauvenargues est le premier qui les ait aimés pour les affinités de cœur et d’esprit qu’il trouvait en eux. Il a aimé Racine pour son exquise sensibilité, pour sa passion profonde et touchante ; il a aimé Fénelon pour son ingénuité, pour sa tendresse et sa grâce ; il a aimé La Fontaine pour son naturel et pour « ce charme de simplicité que rien n’égale » ; il a aimé Pascal pour la chaleur de son âme, pour la noblesse de sa nature, et parce qu’un lien secret, celui de la souffrance, les unissait tous deux.

Mais, à faire ainsi du sentiment le seul juge de ses impressions, il a méconnu Molière, dont il admirait pourtant le génie dramatique. C’est que Vauvenargues répugnait à la raillerie : elle le choquait intimement et lui semblait peu digne d’un esprit sérieux et délicat. La satire par le ridicule lui paraissait une forme tout à fait inférieure de la critique morale, « parce que, disait-il, le ridicule ne présente ordinairement les hommes que d’un seul côté, qu’il charge et grossit leurs défauts,