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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/108

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VAUVENARGUES.

gulier abus, — le sentiment, ou, pour l’appeler d’un autre nom, le moi.

Tout le plaisir des lettres se réduit pour Vauvenargues aux émotions qu’elles lui procurent. Les beautés d’une œuvre, si accomplies qu’elles soient, lui semblent de peu de prix si elles ne remuent en lui quelque libre intime, et le plus grave reproche qu’un écrivain puisse encourir à ses yeux est de ne le point toucher. Le goût, tel qu’on l’entendait au siècle précédent, change dès lors de caractère. Chez Boileau, chez Fénelon même, c’était une faculté de l’esprit, acquise plutôt qu’innée, fondée sur la conception abstraite d’un idéal littéraire, développée par l’étude constante des auteurs anciens, et soumise aux règles immuables de la tradition classique. Chez Vauvenargues, au contraire, c’est un don tout spontané, une forme de la sensibilité ; son principe est que, avant tout, « il faut avoir de l’âme pour avoir du goût », que le discernement s’affine à mesure que le sens moral s’épure et s’élève, et que le meilleur juge d’une œuvre n’est pas le plus éclairé, mais celui qui est le plus capable d’être ému par le beau et de se passionner pour le vrai. Voilà pourquoi ses esquisses critiques, si neuves, si intéressantes, ne se composent que d’impressions. Ses études sur Pascal, Racine, Bossuet, Fénelon, sur ses maîtres préférés du xviie siècle, sont moins des