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L’ŒUVRE DE VAUVENARGUES.

Dans le reste de son œuvre, Vauvenargues n’a guère fait que généraliser ses impressions intimes. Ses Maximes, qui en sont la partie la plus achevée, ne sont, sous une forme impersonnelle, que l’histoire de son cœur, le journal secret de son état intérieur. L’épigraphe qui se lit en tête des Pensées de Marc-Aurèle, Τἁ εἱς έαυτόν, leur conviendrait parfaitement. En réunissant sous le même titre ces deux manuels de la vie morale, on ne marquerait pas seulement le caractère subjectif qui leur est commun : on les associerait dans une égale estime ; car ils renferment la révélation tout entière de deux âmes exquises et supérieures. Malgré la différence des temps et des idées, un même souffle les traverse, parfois un même sentiment les anime, comme si l’homme laissait quelque chose de sa pensée dans les pays où il a aimé, rêvé, souffert, et que Vauvenargues, faisant campagne aux mêmes lieux où seize siècles auparavant le divin empereur guerroyait contre les tribus germaniques, y avait recueilli le plus pur parfum de sa grande âme et s’en était inspiré.