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SA PART DANS L ŒUVRE DU XVIIIe siècle

tage de l’esprit nouveau, et bien faite pour lui inspirer confiance s’il n’était déjà singulièrement hardi et sûr de soi. Mais les forces qui livreront le grand combat ne sont pas encore arrivées sur le terrain : Diderot prépare ses Pensées philosophiques (1746) ; d’Alembert n’a que vingt-six ans ; Rousseau n’est encore que le secrétaire inconnu de l’ambassadeur de France à Venise, et Condorcet n’est pas né. Vauvenargues entre donc dans l’arène à l’heure où les destinées du siècle vont se jouer.

Mais si, à cette heure, on ne peut rien préjuger des péripéties ni de la fortune de la lutte, il n’est déjà plus permis de douter de la grandeur de la bataille ; car le mouvement qui y porte le siècle nouveau est puissant et rapide.

Le jansénisme, qui avait imprimé aux âmes et aux intelligences du xviie siècle une marque si profonde, qui, malgré les apparences de la persécution officielle, avait eu en main la direction générale des esprits et des consciences et l’avait même exercée avec une telle autorité que toute voix indépendante, même celle du cartésianisme, avait été étouffée[1], le jansénisme était en complète disgrâce. La réaction contre son influence, commencée timidement à la

  1. Voir sur ce point d’histoire littéraire et morale, qui est si peu conforme aux idées communément reçues, la belle étude de M. F. Brunetière (Revue des Deux Mondes, 15 novembre 1888).