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VAUVENARGUES.

fin du règne de Louis XIV et menée non sans habileté par Fontenelle, était devenue plus vive et plus hardie à mesure que le siècle prenait, avec l’âge, conscience de ses forces. Enfin, Voltaire, par les coups audacieux qu’il portait dans sa fameuse Lettre sur les Pensées de Pascal, assurait le triomphe et préparait l’avènement des idées dont le jansénisme avait réussi à interrompre le développement.

Vauvenargues se signale parmi les plus hardis dans ce mouvement de, réaction et contribue à l’un des plus importants résultats, qui sera la séparation de la morale et de la religion. Mais les raisons qui l’y font participer ne sont qu’à lui. Je les ai déjà marquées précédemment ; elles se résument dans l’opposition absolue que son idéal de vie active rencontrait dans les doctrines chrétiennes, et particulièrement dans celles du jansénisme : en présentant sans cesse à l’homme le spectacle de sa misère et de sa faiblesse, le moraliste chrétien ne parvient qu’à le décourager et à l’énerver, et il l’empêche d’agir alors que toutes les lois de sa nature le lui commandent impérieusement. Pour Port-Royal, s’humilier et s’abstenir, voilà la seule règle de la vie ; pour Vauvenargues, c’est, suivant sa belle formule que je ne crains pas de répéter : « d’employer toute l’activité de son âme dans une carrière sans bornes ».