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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/18

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VAUVENARGUES.

aucun portrait de Vauvenargues et que nous ne puissions nous le représenter, à cette heure de sa jeunesse, dans sa grâce un peu fière et déjà pensive, sous l’élégant uniforme qu’il venait de revêtir[1]. Car notre esprit est ainsi fait que, dans ses évocations du passé, il est plus exigeant pour les hommes qui furent mêlés à l’action que pour ceux qui vécurent seulement par la pensée. Si, pour un Spinoza ou un Kant, il se contente d’entrevoir une vague silhouette inclinée dans la pâle lumière d’un cabinet d’étude, il veut, pour les personnages qui agirent dans la réalité et qui, selon la belle expression de l’un d’eux, y projetèrent leur âme, ressusciter leur image précise et s’en former une vision distincte avec leur attitude, leur geste et leur vivante physionomie d’autrefois.

À peine engagé, Vauvenargues partit sous les ordres du maréchal de Villars, qui allait conduire en Lombardie contre les Impériaux sa dernière campagne (octobre 1733). Pour un jeune officier, c’était un heureux début qu’une expédition au delà des Alpes sous un chef tel que le héros de Denain, — un beau songe pour une imagination tout imprégnée de Plutarque et passionnée de vie antique.

  1. Cet uniforme était de drap gris clair, doublé de bleu de roi qui ressortait dans le collet, les parements et les retroussis, avec les boutonnières de soie d’or et les brandebourgs aurore.