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VAUVENARGUES.

d’hommes pour exécuter des manœuvres d’ensemble, tombaient dans l’oisiveté et l’ennui : de temps à autre, l’exercice d’un peloton ou d’une compagnie, les gardes, les honneurs, quelque revue, les en tiraient pour un jour, et c’était tout. Le soir, on avait l’auberge, les plaisirs vulgaires et les distractions galantes.

Comme les autres, Vauvenargues paya tribut à la condition de son âge ; il eut ses folies, ses entraînements, ses amours prompts et faciles. Il composa même, vers cette époque, quelques poésies érotiques, dont il s’excusa par la suite : « Lorsque je les ai hasardées, écrira-t-il un jour à Voltaire, j’étais dans un âge où ce qui est le plus licencieux paraît le plus aimable. Vous pardonnerez ces erreurs d’un esprit follement amoureux de la liberté, et qui ne savait pas encore que le plaisir même a ses bornes. » Cette intempérance juvénile est un trait que je tiens à marquer ; car on s’est plu trop souvent à le laisser dans l’ombre : il n’altère pas la physionomie grave et pure qui se dégagera plus tard, et l’on a ainsi, pour ces premières années, un Vauvenargues pas trop candide et plus humain.

Mais déjà, dans cette vie dissipée et oisive, des goûts moins frivoles et une tournure d’esprit plus sérieuse commençaient à le distinguer de ses camarades. Dans l’intervalle des plaisirs il savait trouver des heures de travail et de solitude ; il sauvait chaque