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VIE MILITAIRE.

jour quelques instants pour la lecture et la rêverie, et dans le temps même qu’il donnait au monde ou au service, il aimait à se recueillir par le silence. Cette habitude de la retraite et cette pratique de la vie intérieure se développèrent rapidement et lui constituèrent bientôt une originalité marquée.

C’est un fait commun que les personnes qui s’isolent excitent de la déférence chez les individus qui les entourent ; car l’homme tend à placer haut ce qu’il sent loin de lui ; mais le respect qu’elles inspirent est presque toujours mêlé d’une secrète antipathie ou de quelque méfiance. Le sentiment qu’on témoignait à Vauvenargues n’était, au contraire, qu’une affectueuse considération, parce que sa réserve n’avait rien de hautain, son silence rien de dédaigneux, parce qu’il restait avec tous simple, naturel, aimable et cordial. Son langage était même empreint de familiarité si, par ce mot, on entend avec lui « un commerce libre et ingénu » où, dans la plus grande expansion, la grâce et la délicatesse ne perdent jamais leurs droits.

L’autorité morale, qui, sauf quelques exceptions rares et supérieures, n’est point le partage de la jeunesse, lui vint ainsi de très bonne heure. Un surnom, celui de « Père », que ses camarades lui donnaient en riant, témoigne de l’estime qu’ils faisaient de lui. Et plus tard, cette autorité s’affermissant, un de ceux qui l’ont le mieux connu.