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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/25

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VIE MILITAIRE.

Comme les amantes de chair, cette maîtresse idéale est parfois inconstante à ses adorateurs ; mais, par une grâce spéciale, ses infidélités n’ont pas d’amertume ; elle élève si haut les cœurs « qu’on apprend d’elle-même à se passer d’elle », et quand elle vous a quitté, c’est assez de l’avoir aimée pour être consolé. « Je veux, dit-il, que la gloire nous trompe : les talents qu’elle nous fera cultiver, les sentiments dont elle remplira notre âme, répareront bien cette erreur. Qu’importe que si peu de ceux qui courent la même carrière la remplissent, s’ils cueillent de si nobles fleurs sur le chemin, si, jusque dans l’adversité, leur conscience est plus forte et plus assurée que celle des heureux du vice ! »

Un tel idéal emporte avec soi une seule règle de vie et ne laisse pas à celui qui l’a conçu le choix d’une autre voie pour l’atteindre. Sous quelque forme que ce soit, l’action s’impose à l’homme qui s’est proposé la gloire comme but suprême. Il accepte par avance un programme d’impérieux devoirs : sa personnalité tout entière sera sans cesse active ; toutes ses facultés seront tendues dans un continuel effort ; il lui faudra, suivant la belle formule de Vauvenargues, « employer toute son âme dans une carrière sans bornes ». Et cet emploi sera déjà pour lui une source de nobles jouissances : à son idéal de gloire, toujours lointain, toujours fugi-