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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/24

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VAUVENARGUES.

né pour elle ; de vouloir plier les esprits et les cœurs à son génie ; d’aspirer aux honneurs pour répandre le bien, pour s’attacher le mérite, le talent, les vertus, pour se les approprier, pour remplir toutes ses vues, pour charmer son inquiétude, pour détourner son esprit du sentiment de nos maux, enfin pour exercer son génie et son talent dans toutes ces choses ; il me semble qu’à cela il peut y avoir quelque grandeur[1]. »

Il s’éprit de la gloire comme d’une maîtresse : elle lui inspirait des pensées tendres et des accents de poésie, et c’est en amant qu’il parlait d’elle : « Les feux de l’aurore, écrit-il dans ses Réflexions et Maximes, ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire. La gloire embellit les héros…. » Elle est notre unique raison de vivre, elle fait tout le charme et le prix de l’existence, et l’on n’a point vécu quand on ne l’a pas aimée. À un ami trop indolent et voluptueux il fait honte de son indifférence pour la gloire, comme il lui reprocherait de vouloir vivre sans connaître l’amour : « Un homme qui dit : la gloire coûte trop de soins, je veux vivre en paix si je puis, — je le compare à celui qui ferait le projet de passer sa vie dans un long et gracieux sommeil. Ô insensé ! pourquoi voulez-vous mourir vivant ? »

  1. Lettre au marquis de Mirabeau, 16 janvier 1740.