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VIE MILITAIRE.

cher de la société humaine : il est tenu de songer aux conséquences de ses raisonnements et de garder toujours la vue des choses terrestres. De même encore, l’épicurisme intellectuel, la volupté de comprendre sans croire, le scepticisme délicat, le délassement de l’esprit dans une inviolable et inaccessible retraite lui sont autant de jouissances interdites : tout enchaînement d’idées devra se résoudre pour lui en conclusions, toute réflexion devra le déterminer à des actes.

Voilà sous quelles couleurs cette imagination de vingt-deux ans entrevoyait l’existence, et de quelles pensées sérieuses et nobles elle s’inspirait. Ces idées, Vauvenargues ne les devait à personne : issues en lui de son propre fonds, écloses spontanément, elles lui étaient venues une à une, pendant ses heures de réflexion, pendant ses minutes de recueillement, là-bas en Provence, sur la terrasse du château de Vauvenargues ; en Italie, durant la campagne sous Villars ; à Dijon, à Besançon, à Verdun, pendant les loisirs de la vie de garnison. Certes, leurs contours n’étaient pas déjà aussi arrêtés : quelques-unes flottaient encore comme des visions indécises devant son esprit. Elles ne se groupaient pas non plus aussi méthodiquement que je les ai présentées pour les rendre plus saisissables, car elles ne formaient pas un système construit par une raison dans sa maturité ; mais elles étaient sen-