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VIE MILITAIRE.

quand on était à portée de connaître son caractère, alors il fallait adorer la beauté de son naturel. »

Vauvenargues aimait surtout de Seytres parce qu’il se reconnaissait en lui : « Seytres était né ardent, nous dit-il encore ; son imagination le portait au delà des amusements de son âge et n’était jamais satisfaite ; tantôt on remarquait en lui quelque chose de dégagé et comme au-dessus du plaisir, dans les chaînes du plaisir même ; tantôt il semblait qu’épuisée, desséchée par son propre feu, son âme abattue languissait de cette langueur passionnée qui consume un esprit trop vif ; et ceux qui confondent les traits et la ressemblance des choses le trouvaient alors indolent. Mais sa paresse n’avait rien de faible ni de lent ; on y aurait remarqué plutôt quelque chose de vif et de lier. » Et, ainsi qu’il arrive lorsqu’on aime, il s’était fait de son ami une image idéale qui se confondait avec son propre idéal : « Tu ne m’as connu qu’un moment ; et lorsque nous nous sommes connus, j’avais rendu mille fois en secret un hommage mystérieux à tes vertus…⋅ Hélas, je croyais posséder l’objet d’une si touchante illusion et je l’ai perdu pour toujours. » Malgré quelques parties déclamatoires, ce discours funèbre fait honneur à celui qui s’y est épanché. Quand Voltaire en prit connaissance deux ans plus tard, il ne s’y trompa point : « Voilà, dit-il, la première oraison funèbre que le cœur ait dictée ; toutes