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Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/62

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VAUVENARGUES.

mante du poète, on n’y rencontre jamais les vues claires et pratiques de l’homme d’État. Quant aux opinions qu’il s’était formées au contact des faits, elles ne révèlent en lui qu’une intelligence médiocre des affaires administratives et diplomatiques. Sous ce rapport, le grand conflit européen dont il a eu pendant deux ans le spectacle sous les yeux, ne lui a rien appris. Dans la guerre de la succession d’Autriche il n’a pas su voir au delà du cercle de son observation immédiate : le sens et la portée des graves questions qui se débattaient au centre de l’Allemagne semblent lui avoir tout à fait échappé. Supposez, au contraire, un Retz participant aux mêmes événements, témoin des folles ambitions de Belle-Isle, de l’héroïsme de Marie-Thérèse, des convoitises et des intrigues de Frédéric, comme il eût vivement saisi l’ensemble et le détail des choses ! quelle collection originale de maximes politiques on eût certainement tirée du recueil de ses impressions quotidiennes !

Quoi qu’il en soit, dès son retour à Arras (décembre 1743), Vauvenargues résolut de mettre son projet à exécution et, sans plus tarder, il adressa au roi la requête suivante :

« Sire,

« Pénétré de servir, depuis neuf ans, sans espérance, dans les emplois subalternes de la guerre,