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VAUVENARGUES ÉCRIVAIN.

expéditions d’Allemagne ; mais la reprise des hostilités l’avait empêché d’y donner suite. Il avait fait choix de cette carrière, d’abord parce qu’elle était à ses yeux une forme de l’action noble, brillante et telle qu’il la souhaitait, ensuite parce qu’il se reconnaissait une secrète disposition à la bien parcourir. Le renom d’un d’Ossat, d’un Richelieu, d’un William Temple lui paraissait digne de son ambition, et il s’attribuait plus d’un titre à y prétendra, entre autres la connaissance de l’âme humaine et cet « esprit de manège » dont il a parlé si ingénieusement et qui consiste à pénétrer les consciences, à s’insinuer dans le cœur des hommes, à leur arracher leur secret pour les gouverner[1]. Enfin, il pensait que « les grandes places instruisent promptement les grands esprits », et comme il se sentait l’âme haute, il se croyait propre aux plus hauts emplois.

À cet égard, Vauvenargues se faisait quelque illusion. Ses écrits ne dénotent nullement l’aptitude qu’il se croyait à la gestion des intérêts publics. Les considérations politiques que lui ont suggérées ses lectures ne portent pas le caractère précis et positif qui est la qualité essentielle de ces sortes de réflexions ; l’idée morale y tient trop de place ; et, si l’on y reconnaît presque toujours la pensée élevée du philosophe ou l’imagination char-

  1. Essai sur quelques caractères, § 33.