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VAUVENARGUES.

Sainte-Beuve pensait de même lorsqu’il écrivait en un chapitre de Port-Royal : « Pour exprimer toute ma superstition sur Vauvenargues, je me l’imagine en vérité comme le génie de Voltaire même, comme ce bon ange terrestre qui quelquefois nous accompagne ici-bas dans une partie du chemin sous la figure d’un ami. Mais il vient un moment où la mesure est comblée ; l’ange remonte ; le bon témoin, le génie sérieux, solide, pathétique et clément, se relire trop offensé. Vauvenargues mourut et Voltaire, destitué de tout garant, alla de plus en plus à l’ironie, à la bouffonnerie sanglante, au ricanement de Pangloss, et à ne voir volontiers dans l’espèce entière qu’une race de Welches, une troupe de singes. »

À peine rentré en Finance (décembre 1743), Vauvenargues sentit les effets de la protection de Voltaire. Celui-ci, sans attendre d’en recevoir la confidence, avait pressenti que le génie (c’est le mot dont il se servait dès la seconde lettre) de son jeune ami devait se trouver à l’étroit dans la carrière militaire et ne pouvait s’y développer. « Je vous avoue, lui écrivait-il, que je suis encore plus étonné que je ne l’étais que vous fassiez un métier, très noble à la vérité, mais un peu barbare, et aussi propre aux hommes communs et bornés qu’aux gens d’esprit. » Et il s’occupa aussitôt de trouver un autre emploi à son talent.