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AMITIÉ DE VOLTAIRE.

Voltaire était alors dans une période de faveur à la cour. Il revenait de sa fameuse ambassade à Berlin, et, si cette mission n’avait pas eu le succès qu’il en espérait, elle lui avait donné du moins un certain crédit au Département des Affaires étrangères. Il reprit à son compte les démarches que Vauvenargues avait tentées en vain auprès du ministre Amelot, et il eut la satisfaction d’annoncer bientôt à son jeune ami la promesse formelle d’une prochaine nomination dans la diplomatie.

Quand Vauvenargues reçut en Provence, où il était allé chercher un peu de repos, cette heureuse nouvelle, il n’était plus temps pour lui d’en profiter : toutes ses espérances venaient de s’écrouler. Une petite vérole, de l’espèce la plus maligne, qui l’avait mis au plus mal, avait ruiné à jamais sa santé déjà si délicate. Défiguré par les traces de la maladie[1], souffrant de la poitrine, presque privé de la vue, tout le corps perclus et épuisé, il se vit obligé de remercier le ministre des desseins qu’il avait eus un instant sur lui.

Quand on s’est proposé comme but dans l’existence la gloire, quand on a pris pour seul idéal l’ac-

  1. L’altération que les marques de la petite vérole avaient fait subir à sa physionomie lui était particulièrement pénible ; elle lui causait un regret dont il a donné quelque part une explication assez touchante, lorsqu’il a parlé « de ces accidents qui défigurent les traits naturels et qui empêchent que l’âme ne se manifeste ».