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VAUVENARGUES.

par les idées, mais égal par la noblesse du caractère et presque parent par l’infortune — Leopardi, — suffirait à nous instruire : les supplications éloquentes que le poète-philosophe italien adressait au comte Monaldo pour se soustraire à l’atmosphère étouffante de Recanati nous donnent, sans doute, le ton et le sens de celles que le vieux marquis de Vauvenargues dut entendre de son fils. Celui-ci (comme il advint aussi à Leopardi) finit cependant par passer outre aux volontés paternelles et sacrifia le bien-être, dont son corps épuisé de maux avait tant besoin, aux fins supérieures que poursuivait sa pensée.

Pour une âme forte et courageuse, le renoncement aux commodités de la vie était encore facile ; mais l’adoption de la carrière des lettres entraînait pour Vauvenargues un sacrifice d’un autre genre et qui dut paraître plus pénible à sa nature fière, sensible à l’excès, toute pénétrée des traditions et des préjugés de sa race.

C’était, en effet, un parti délicat pour un gentilhomme de faire profession de littérature. Dans l’armée, où Vauvenargues avait vécu jusqu’alors, un esprit très étroit régnait à cet égard, beaucoup plus étroit que dans la société aristocratique de Versailles et de Paris qui, en rapports plus directs avec les hommes de lettres, savait déjà fort bien les attirer et les flatter, si du moins elle ne les