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VAUVENARGUES.

De là aussi l’indifférence de Vauvenargues à toute haute spéculation. Jamais, semble-t-il, l’énigme qui pèsera éternellement sur l’humanité et qui a fait le tourment de tant d’âmes ne s’est dressée devant lui. D’où vient l’homme ? Où va-t-il ? Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? Pourquoi la souffrance ? L’agitation humaine a-t-elle un sens et un but ? Quel rapport ont avec l’ordre universel les êtres et les phénomènes qui se succèdent dans l’espace et dans le temps ? Ces graves questions, qui sont presque aussi anciennes que la pensée humaine, n’ont jamais retenu son attention, et les réponses que la religion et la philosophie ont essayé d’y faire tour à tour, il ne les a pas entendues.

Vauvenargues n’était pas croyant. Si, dans sa première jeunesse, un peu de la piété fervente des siens (une de ses sœurs était carmélite) s’était communiqué à lui, sa foi s’était bientôt perdue : elle n’avait pas disparu emportée dans un de ces grands orages intérieurs qui désolèrent l’âme d’un Bunyan ou d’un Jouffroy ; mais elle s’était détachée insensiblement de son cœur, par un travail inconscient et volontaire, laissant derrière elle un souvenir attendri et un parfum religieux qui ne s’évapora jamais.

Dans un morceau singulier, une Méditation sur la foi, qu’il composa vers 1742, le regret des croyances évanouies se trahit au milieu des effusions les plus