Aller au contenu

Page:Paléologue - Vauvenargues, 1890.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
VAUVENARGUES.

des choses passées m’obéissent et m’apparaissent. Ô âme éternelle du monde, ainsi votre voix secourable revendiquera ses ouvrages, et la terre saisie de crainte restituera ses larcins. »

En dehors de ces heures d’émotion passagère, il fut toujours neutre en matière de dogme. « Je n’ai jamais été contre la religion », écrivait-il à Fauris de Saint-Vincens. Ce fut la vraie formule et comme la règle de sa conscience[1].

  1. Condorcet, dans une note du Siècle de Louis XV de Voltaire (édition de Kehl), a rapporté sur la mort de Vauvenargues un incident qui fit quelque impression, à cette époque. « Dans le temps de la mort de M. de Vauvenargues, les Jésuites avaient la manie de chercher à s’emparer des derniers moments de tous les hommes qui avaient quelque célébrité ; et s’ils pouvaient ou en extorquer quelque déclaration ou réveiller dans leur âme affaiblie les terreurs de l’enfer, ils criaient au miracle. Un de ces Pères se présente chez M. de Vauvenargues mourant. « Qui vous a envoyé ici ? dit le philosophe. — Je viens de la part de « Dieu », répondit le Jésuite. Vauvenargues le chassa, puis, se tournant vers ses amis :
    « … Cet esclave est venu,
    Il a montré son ordre, et n’a rien obtenu. »


    Outre que ce langage et cette attitude de théâtre en un pareil moment n’étaient pas dans le caractère de Vauvenargues, ce récit, dénué de toute preuve, est infirmé par la date même où il fut publié. Le Siècle de Louis XV a paru dans l’édition de Kehl en 1786, et Vauvenargues est mort en 1746. Comment expliquer que pendant quarante années le silence ait été gardé sur ce point ? Marmontel, qui fréquentait assidûment Vauvenargues dans les derniers temps de sa vie, n’y fait aucune allusion ; il dit simplement et avec toutes les apparences de la vérité : « Vauvenargues est mort dans les sentiments d’un chrétien philosophe ».