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sociale qu’il distingue de l’anarchisme proprement dit, et dont les grands représentants sont, d’après lui, un Goethe, un Byron, un Humboldt, un Schleiermacher, un Carlyle, un Emerson, un Kierkegaard, un Renan, un Ibsen, un Stirner, un Nietzsche[1]. Cette philosophie se résume dans le culte des grands hommes et l’apothéose du génie. — Pour désigner une telle doctrine, l’expression d’individualisme anarchiste nous semble contestable. La qualification d’anarchiste, prise au sens étymologique, semble s’appliquer difficilement à des penseurs de la race de Goethe, des Carlyle, des Nietzsche, dont la philosophie semble au contraire dominée par des idées d’organisation hiérarchique et de sériation harmonieuse des valeurs. D’autre part, l’épithète d’individualiste ne s’applique peut-être pas avec une égale justesse à tous les penseurs qu’on vient de nommer. Si elle convient bien pour désigner la révolte égotiste, nihiliste et anti-idéaliste d’un Stirner, elle s’appliquera difficilement à la philosophie hégélienne, optimiste et idéaliste d’un Carlyle qui subordonne nettement l’individu à l’Idée.

Il règne donc une certaine confusion sur l’emploi des deux termes : anarchisme et individualisme, ainsi que sur les systèmes d’idées et de sentiments que ces termes désignent. Nous voudrions ici essayer de préciser la notion de l’individualisme et en déterminer

  1. Voir Basch, l’Individualisme anarchiste, Max Stirner, p. 276 (F. Alcan).