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LA SENSIBILITÉ INDIVIDUALISTE.

mépris de groupe est dicté par l’égoïsme de groupe. On méprise celui qui fait bande à part, se soustrait à l’esprit de corps et ne s’en soucie pas. — Le mépris individualiste est désintéressé et dicté seulement par une antipathie intime pour la bassesse et l’hypocrisie ; il oublie volontiers l’objet de son mépris et est accompagné de la sensation d’un immense éloignement entre soi et ce qu’on méprise et du désir de s’en tenir le plus éloigné possible : « Il n’y a pas trois jours que deux bourgeois de ma connaissance allant donner entre eux une scène comique de petite dissimulation et de demi-dispute, j’ai fait dix pas pour ne pas entendre. J’ai horreur de ces choses-là, ce qui m’a empêché de prendre de l’expérience. Ce qui n’est pas un petit malheur[1]. »

Pour résumer ce que nous venons de dire du mépris individualiste, nous rappellerons que l’individualiste n’est pas a priori un contempteur de l’humanité. Car il fait des exceptions dans la bassesse générale. Il est seulement contempteur des groupes et de la mentalité de groupe.

L’indifférence de l’individualiste est réactive, comme son mépris. Son impassibilité est une impassibilité acquise et devenue une méthode de vie. Son vœu est celui formulé par Leconte de Lisle :

Heureux qui porte en soi, d’indifférence empli,
Un impassible cœur sourd aux rumeurs humaines,
Un gouffre inviolé de silence et d’oubli.

  1. Vie de Henri Brulard, p. 92.