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AMITIÉ ET SOCIALITÉ.

leurs morts, ensevelis là ; il faut que vous livriez les secrets que vous êtes malheureux de garder ou de trahir. Un autre survient, vous ne pouvez plus parler, et vos os semblent avoir perdu leurs cartilages ; l’entrée d’un ami nous donne de la grâce, de la hardiesse ou de l’éloquence ; et certaines personnes s’imposent à notre souvenir par l’expansion transcendante qu’elles ont donnée à notre pensée et par la nouvelle vie qu’elles ont allumée dans notre sein.

« Qu’y a-t-il de meilleur que d’étroites relations d’amitié, quand elles ont pour base ces racines profondes ? La possibilité de joyeuses relations entre quelques hommes est une réponse suffisante au sceptique qui doute des facultés et des forces humaines… Je ne sais ce que la vie peut offrir de plus satisfaisant que cette entente profonde qui subsiste, après de nombreux échanges de bons offices, entre deux hommes vertueux, dont chacun est sûr de lui-même et sûr de son ami. C’est un bonheur qui ferait ajourner tous les autres plaisirs et qui fait bon marché de la politique, du commerce et des églises. Car, lorsque les hommes s’assemblent comme ils devraient le faire, chacun d’eux bienfaiteur, pluie d’étoiles, habillé de pensées, d’actes, de talents, cette réunion serait la fête de la Nature[1]… »

La différence des effets de la socialité et de l’amitié s’explique par leur différence de nature.

Autre chose est l’association ou socialité, lien

  1. Émerson, Sept Essais, traduits par J. Will, p. 200.