Aller au contenu

Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les darwiniens sont égalitaires, tandis que le darwinisme prouve le droit du plus fort. L’absurde est le caractère de la vie ; les êtres réels sont des contresens en action, des paralogismes animés et ambulants. L’accord avec soi-même serait la paix, le repos et peut-être l’immobilité. La presque universalité des humains ne conçoit l’activité et ne la pratique que sous la forme de la guerre, guerre intérieure de la concurrence vitale, guerre extérieure et sanglante des nations, guerre enfin avec soi-même. La vie est donc un éternel combat, qui veut ce qu’il ne veut pas et ne veut pas ce qu’il veut. De là ce que j’appelle la loi d’ironie, c’est-à-dire la duperie inconsciente, la réfutation de soi par soi-même, la réalisation concrète de l’absurde[1]. »

M. Jules de Gaultier a retrouvé de son côté et sans l’emprunter aux penseurs précédents, cette loi d’ironie dont il a fait un usage important dans une philosophie qui, si elle n’est pas pessimiste, se présente du moins comme nettement hostile au béat rationalisme optimiste, qui fait de la logique humaine la norme et la mesure des choses[2].

L’ironisme social n’est qu’un cas particulier de l’ironisme métaphysique dont on vient d’énoncer la formule. C’est sur le terrain social que la loi d’ironie trouve ses plus notables applications. La source de

  1. Amiel, Journal intime, t. II, p. 217.
  2. Voir le Bovarysme et la Réforme philosophique, p. 136.