Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/63

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l’ironisme social réside ici encore dans les contradictions dont fourmille le spectacle des idées, des croyances, des usages, des mœurs en vigueur parmi les hommes, soit à des époques différentes, soit à la même époque de l’évolution humaine. La loi d’ironie fonctionne, d’après Amiel, dans le champ de l’histoire d’une manière inlassable. L’esprit pénétrant, ondoyant, inquiet et paradoxal de Proudhon découvre partout des antinomies sociales irréductibles. Il se joue au milieu des contradictions comme dans son élément propre, se délectant au choc des idées, faisant saillir l’antinomie des choses, pour déconcerter le lecteur et l’accabler sous l’idée opprimante qu’une divinité cruelle se fait un jeu de regarder sa créature se débattre au milieu des contra-dictions où elle l’a jetée.

Mais il y a une antinomie sociale qui prime et résume les autres. C’est l’antinomie qui se pose sur les terrains divers de l’activité humaine entre les aspirations et les exigences de l’individu d’une part, et d’autre part les aspirations et les exigences de la société. Si cette antinomie est réelle, c’en est fait des prétentions dogmatiques du rationalisme et de l’optimisme social ; c’est le pessimisme et l’ironisme social qui est le vrai. Un personnage romantique du roman de Sainte-Beuve : Volupté, M. de Couaen, exprimait déjà cette loi d’ironie sociale : « Il y a une loi, probablement un ordre absolu sur nos têtes, quelque horloge vigilante et infaillible des astres et des