Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/81

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Bayle remarque quelque part que saint Augustin professa une morale assez indulgente en ce qui concerne l’usage des femmes, tant qu’il garda l’aptitude à en jouir. Quand l’âge lui eut ôté le désir, il se refréna aisément, sans l’aide de la morale.

Fourier ne prend pas non plus la morale au sérieux. Dans son livre : Théorie des quatre mouvements, il soutient que les vices sont nos uniques mobiles et qu’il est impossible de les brider. « Il a fallu, selon lui, de longs siècles de dégénérescence pour établir la monogamie, régime si contraire à l’intérêt des gens vigoureux ; et personne, d’ailleurs, ne se soumet à cette loi dès qu’elle devient tyrannique. » — La morale, quand elle commande aux passions, est comparable à ce chef barbare à qui le roi d’Angleterre adressait cette question : « Vos sujets vous obéissent-ils bien ? » — Le chef répondit : « Pourquoi non ? Je leur obéis bien moi-même. » — « La morale, dit ailleurs Fourier, s’abuse lourdement si elle croit avoir quelque existence par elle seule ; elle est évidemment superflue et impuissante dans le mécanisme social ; car sur toutes les questions dont elle forme son domaine comme le larcin, l’adultère, etc., il suffit de la politique et de la religion[1] pour déterminer ce qu’il

  1. Le point faible de cette argumentation semble être d’accorder à la politique et à la religion un pouvoir que Fourier dénie à la morale. Psychologiquement, on ne voit pas la raison de cette différence. Il est vrai que par politique Fourier entend sans doute la police sociale, et celle-ci a à sa disposition des influences qui, pour n’être ni psychologiques, ni morales, n’en sont pas moins efficaces.