Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/82

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est convenable dans l’ordre établi. Quant aux réformes à entreprendre dans les mœurs, si la religion et la politique y échouent, la morale y échouera encore mieux. Qu’est-elle dans le corps des sciences, sinon la cinquième roue du char, l’impuissance mise en action ? — Partout où elle combattra seule contre un vice, on est assuré de sa défaite ; elle est comparable à un mauvais régiment qui se laisserait repousser dans toutes les rencontres et qu’il faudrait casser ignominieusement…[1]. » La conclusion de Fourier est qu’une société intelligente cesserait de payer des professeurs de morale.

On sait le cas que Stendhal fait de la morale. Dans le Rouge et le Noir et ses autres romans, il fait toujours agir ses héros et ses héroïnes d’après leur tempérament. Dans toute son œuvre court comme thème fondamental ce qu’on a appelé le beylisme ou théorie de la vertu comme timidité. Stendhal ne manque pas une occasion de ridiculiser la morale et les moyens pitoyables qu’elle prend pour convertir les âmes. Quand Fabrice est dans la prison de la citadelle de Parme et qu’on pose devant sa fenêtre d’énormes abat-jour qui ne doivent laisser au détenu que la vue du ciel : « On fait cela pour la morale, lui dit le geôlier, afin d’augmenter une tristesse salutaire et l’envie de se corriger dans l’âme des prisonniers. »

Dans sa philosophie de l’histoire fondée sur l’idée de race, le comte de Gobineau déprécie singulière-

  1. Fourier, Théorie des quatre mouvements, p. 188.