sincérité, de délicatesse, d’enthousiasme, de générosité, et même de tendresse, la misanthropie où il se réfugie est susceptible de nuances, d’hésitations, de restrictions et comme de remords. Cette misanthropie, impitoyable pour les groupes, — hypocrites et lâches par définition, — fait grâce volontiers aux individus, à ceux du moins en qui l’individualiste espère trouver une exception, une « différence », comme dit Stendhal.
Hostile aux « choses sociales » (Vigny), fermé aux affections corporatives et solidaristes, l’individualiste reste accessible aux affections électives ; il est très capable d’amitié.
Le trait dominant de la sensibilité individualiste est en effet celui-ci : le sentiment de la « différence » humaine, de l’unicité des personnes. — L’individualiste aime cette « différence », non seulement en soi, mais chez autrui. Il est porté à la reconnaître, à en tenir compte et à s’y complaire. Cela suppose une intelligence fine et nuancée. Pascal a dit : « À mesure qu’on a plus d’esprit, on trouve qu’il y a plus d’hommes originaux. Les gens du commun ne trouvent pas de différence entre les hommes. » La sensibilité sociable ou grégaire se complaît dans la banalité des traits ; elle aime qu’on soit « comme tout le monde ». La sensibilité chrétienne, humanitaire, solidariste et démocratique, voudrait effacer les distinctions entre les moi. Amiel y voit avec rai-