Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
l’antinomie économique

L’argent nous possède plus que nous ne le possédons ; il nous lie et nous tyrannise de mille façons. M. P. Hervieu, dans son roman l’Armature, a bien analysé le rôle de l’argent et montré comment il amène les possédants à subir les pires compromissions, les plus vilaines situations, à vaincre les pires répugnances, à avaler les pires couleuvres, à refouler des sentiments les plus naturels et les plus impérieux. — Voilà pour ceux qui possèdent. Mais que sont, que valent et que peuvent, en régime bourgeois, les non possédants ? — Littéralement rien. Pour eux il n’y a d’indépendance d’aucune sorte, ni matérielle, ni morale. Leur lot est la dépendance, l’insécurité. Les travailleurs intellectuels sont aussi à plaindre que les travailleurs manuels. Leur culture supérieure ne leur sert qu’à mieux sentir leur condition humiliée. M. Ch. Maurras a noté ce fait caractéristique de notre régime bourgeois : l’Intelligence asservie à l’Argent : ancilla ploutocratiae[1]. — En régime collectiviste les besoins d’indépendance de l’individu seraient-ils mieux sauvegardés ? On peut en douter. La manie égalitaire et autoritaire ferait

    à dire des mensonges depuis l’ouverture de vos portes jusqu’à leur fermeture, ou si vous ne choisissez pas des commis qui aient le talent et l’audace d’en dire, vous crèverez de faim, etc., etc. » « Je défie tous les membres de la société bourgeoise, qu’ils soient riches ou pauvres, qu’ils soient capitalistes ou prolétaires, de raconter leur histoire économique, leurs stratagèmes et leur tactique financière publiquement sans rougir » (p. 484).

  1. Maurras, L’Avenir de l’intelligence.