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les antinomies entre l’individu et la société

ou par fonctions sociales. Or il n’est pas certain que cette différenciation sociale soit toujours calquée sur la différenciation native, physiologique, des individus sur la différence des aptitudes et des goûts. Bien loin de là. Nous avons vu, en économie, combien la répartition du travail social se fait au hasard ; combien il y a de vocations faussées, d’activités mal dirigées, d’aptitudes mal employées. — En admettant même que l’anarchie qui préside à la division du travail social s’atténue ou même disparaisse, en supposant qu’on arrive un jour à une correspondance mieux réglée entre les aptitudes des individus et l’emploi social de ces aptitudes, l’impuissance de la différenciation sociale pour assurer la liberté et le bonheur des individus et pour les harmoniser avec la société n’en apparaîtra que mieux. Car autre chose est la différenciation sociale ; autre chose la « différence » intime et profonde entre individus ; je veux dire la différence intellectuelle et sentimentale, la différence d’âmes. Cette dernière différence n’est pas affaire d’organisation sociale. Elle ne dépend pas de tel mode de division du travail social ; elle dépend de la constitution native ; elle réside dans le cerveau et dans les nerfs de chaque individu. La différenciation sociale ne différencie pas forcément les hommes intellectuellement et moralement. Un ouvrier fileur, un métallurgiste, un chemineau et un instituteur peuvent différer fort peu, intellectuelle-