Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
l’antinomie sociologique
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

ment et sentimentalement les uns des autres. Et s’ils diffèrent, cela ne provient d’ailleurs que de leur profession. La diversité profonde des âmes tient à d’autres causes qu’à des causes sociales. La division du travail, avec sa spécialisation à outrance, avec sa canalisation des activités dans certaines directions, n’assure nullement aux individus une vie intérieure plus riche, plus intense, plus profonde, ni plus originale. La division du travail proclame le néant de l’individu considéré du point de vue social. La division du travail ne suppose pas telle ou telle individualité en particulier : elle ignore les personnalités. Il lui suffit d’avoir un certain nombre d’hommes ; peu lui importe lesquels.

Ce que nous venons de dire de la loi de différenciation sociale peut être répété à propos de cette autre loi sociologique qui est, à certains égards, un corollaire de la précédente : la loi de l’entre-croisement des groupes.

Selon M. Bouglé, l’entre-croisement des groupes favorise la diversité et l’indépendance individuelle. Il agit comme un facteur puissant d’individualisation des esprits et des caractères. L’individualisme serait ainsi un produit et un bienfait social[1].

Il y a une part de vérité dans cette conception.

  1. Cf. Bouglé. Les conséquences morales de l’entre-croisement des groupes (Revue bleue du 29 décembre 1906) et Individualisme et sociologie (Revue bleue du 4 novembre 1905).