Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
les antinomies entre l’individu et la société

oublier sa nature mensongère et par le soutenir mordicus comme une vérité. Le cas du menteur qui finit par croire à son propre mensonge n’est pas rare. Cet état d’esprit se rencontre chez le menteur de groupe, chez le menteur qui soutient un mensonge de groupe comme chez le menteur individuel, le menteur qui opère pour son compte personnel. L’homme qui pense sous la loi du groupe pourrait demander à tout moment : qui trompe-t-on ici ? Et il pourrait ajouter qu’il se trompe lui-même, plus ou moins sciemment et volontairement.

C’est par cela que l’esprit du groupe se complaît dans les idées vagues, dans les idées qu’on laissé volontairement inanalysées, parce que leur obscurité favorise l’illusion et la duperie mutuelle.

Les croyances de groupe s’attachent volontiers à quelque objet vague, mal défini, semblable à ce mythique Putois, héros d’un récit de M. Anatole France[1]. À Saint-Omer, tout le monde admet l’existence de Putois, bien que personne ne l’ait jamais vu. On l’admet parce que l’existence de Putois offre une explication commode de certains méfaits commis dans la ville et dont on ne trouve pas l’auteur. M. Bergeret père, pour être un bon Audomarois, admet comme tout le monde l’existence de Putois. Mais, bien entendu, il l’admet sans l’admettre ; il y

  1. Dans M. Bergeret à Paris.